La loi italienne n° 96/18 est venue introduire le délit de gestion frauduleuse de main-d’œuvre. Ce délit est constitué en présence d’une activité de gestion exercée dans un but spécifique de contourner les règles impératives de droit ou des conventions collectives appliquées aux travailleurs. Le délit en question est puni d’une amende de 20 euros pour chaque travailleur impliqué et pour chaque jour de mise à disposition. À cet égard, l’Inspection Nationale du Travail Italien (« INL »), par sa circulaire n° 3/19, a fourni des orientations opérationnelles à l’attention des inspecteurs. En particulier, selon l’INL, le recours à un contrat illicite constitue, en soi, un élément symptomatique d’un but frauduleux. Toujours selon l’INL, le délit en question peut être intégré dans d’autres situations, comme, par exemple, l’hypothèse du détachement transactionnel non authentique prévue à l’article 3 du décret législatif italien n° 136/16. Compte tenu de ce qui précède, il sera nécessaire d’élaborer ou d’actualiser le formulaire 231 afin d’empêcher la commission de ce délit, en mettant en œuvre des procédures et des protocoles de prévention spécifiques. En effet, toute enquête des inspecteurs pourrait être suivie d’une enquête de l’autorité judiciaire. « L’intermédiation et l’exploitation illicites au travail », conformément à l’article 603-bis du Code pénal italien, est en effet un délit susceptible d’engager la responsabilité administrative des organismes (article 25 quinquies du décret législatif italien n° 231/01).

Depuis le 14 novembre 2018, le scénario des conséquences possibles en cas de licenciement abusif d’un salarié embauché à l’époque de la loi italienne sur l’emploi a radicalement changé. C’est à cette date, en effet, qu’ont été publiés les motifs de l’arrêt n° 194/2018, par lequel la Cour constitutionnelle italienne a déclaré illégitime sur le plan constitutionnel la principale nouveauté du dénommé « contrat de protection croissante », à savoir la détermination de l’indemnité due en cas de licenciement abusif sur la seule base de l’ancienneté. En outre, toujours selon la Cour, la formulation du critère d’indemnisation introduit par la loi italienne sur l’emploi aurait également été contraire au principe de caractère raisonnable, puisque l’indemnité ainsi déterminée aurait pu s’avérer insuffisante pour garantir « une indemnisation adéquate pour le préjudice concret subi » par le travailleur licencié.

Bien que l’arrêt n’ait été publié au Journal officiel italien du 14 novembre qu’à l’occasion de la diffusion du communiqué de presse du 26 septembre 2011, les juridictions du fond ont commencé à écarter l’algorithme introduit par la loi sur italienne l’emploi en 2015, qui prévoyait l’octroi d’une indemnité préétablie à déterminer en fonction de la durée du service du travailleur concerné. C’est le cas du Tribunal de Bari qui, par son arrêt du 11 octobre 2018, a condamné l’entreprise employeuse à verser une indemnité de 12 mois, contre les 6 mois dus sur la base d’une disposition légale encore en vigueur à la date des faits. Mais en dehors de ces épisodes, l’effet réel de l’arrêt en question a été celui de déterminer une sorte de « retour en arrière ». Outre les cas de nullité du licenciement, le pouvoir discrétionnaire des juges sera déterminant quant au montant des indemnité dues aux travailleurs en cas de licenciement abusif, et ce quelle que soit la date de recrutement du salarié. Il est donc clair que l’arrêt de la Cour marque un changement de cap qui éloigne de plus en plus du principe de « sécurité juridique » les relations de travail et introduit surtout un nouveau système de protection difficile à comprendre pour les investisseurs étrangers.

En effet, si l’entrée en vigueur de la loi italienne sur l’emploi a marqué un tournant historique dans la législation du travail italienne, demeurée indemne même après l’adoption du « décret sur la dignité » (qui s’était cantonné à intervenir uniquement sur les limites de l’indemnisation sans affecter le mécanisme de quantification de celle-ci), la Cour constitutionnelle italienne a marqué un coup d’arrêt, replaçant à nouveau le caractère aléatoire du risque-cause au cœur des conflits liés au travail.

Et cela sans compter que, nous le constatons, les nouveautés du second semestre 2018 ont déjà entraîné une augmentation significative de la propension à faire appel aux juridictions du travail pour régler les litiges.

La troisième section du travail du Tribunal civil de Rome (Italie), dans sa décision n° 4354 du 8 mai 2019, a jugé que les procès-verbaux de conciliation signés par les travailleurs dans un contexte syndical sont susceptibles de recours dans le délai visé à l’article 2113 du Code civil italien, lorsque la convention collective nationale applicable ne régit pas l’institution de la conciliation et la procédure correspondante ainsi que si le représentant syndical ne fournit aucune assistance effective.

 

Les faits

 

Une salariée d’une entreprise du secteur de la métallurgie, officiellement embauchée à compter du 21 avril 2015 et licenciée le 16 mai 2016, a contesté devant le Tribunal de Rome le procès-verbal de conciliation signé dans un cadre syndical le 21 avril 2015, par lequel elle avait renoncé à soulever toute réclamation relative à la relation de travail parasubordonné qu’elle entretenait avec le même employeur depuis le 21 janvier 2003. En particulier, la requérante a fait valoir : (i) qu’elle s’était acquittée des mêmes tâches professionnelles dans les locaux du même employeur depuis le mois de janvier 2003, en vertu de toute une série de contrats de travail conclus de façon discontinue ; (ii) qu’elle avait été incitée par l’employeur à signer, le 21 avril 2015, un procès-verbal de conciliation syndicale avec renonciation à se prévaloir du rapport de travail antérieur en tant que seul moyen de pouvoir être embauchée ; (iii) qu’elle n’avait jamais rencontré le représentant syndical avant cette réunion et que celui-ci avait été un simple observateur lors de cette dernière. La travailleuse sollicitait ainsi la reconnaissance de la nature subordonnée de la relation de travail à compter du 1er janvier 2003, ainsi que la condamnation de l’employeur à procéder au règlement des cotisations dues ainsi que des différences de salaire correspondantes. L’employeur, quant à lui, a contesté les demandes adverses et a insisté sur la validité du procès-verbal signé devant le représentant syndical et sur son caractère inattaquable en vertu du dernier paragraphe de l’article 2113 du Code civil italien.

 

Réglementation de référence

L’institution des renonciations et des transactions dans le domaine des relations de travail est régie par l’art. 2113 du Code civil italien qui, après avoir consacré, dans son premier paragraphe, l’invalidité des renonciations et des transactions concernant les droits du travailleur découlant des dispositions impératives de la loi et des conventions collectives ou contrats, dispose, dans son deuxième paragraphe, que « la contestation doit être présentée, sous peine de forclusion, dans les six mois suivant la date de la cessation du rapport ou suivant la date de la renonciation ou de la transaction, si celles-ci ont eu lieu après ladite cessation » La même disposition précise également, dans son dernier paragraphe , que le caractère non contestable ne s’applique pas « à la conciliation intervenue dans le cadre des articles 185, 410, 411, 412-ter et 412-quater du Code de procédure civile ».

 

L’arrêt de la Cour de cassation italienne

 

Le Tribunal saisi de l’affaire avait conclu que le procès-verbal pouvait être contesté. En particulier, selon le Tribunal, le procès-verbal avait été signé dans un contexte autre que ceux énumérés à l’article 2113, dernier paragraphe, du Code civil italien, dont le contenu doit être considéré exhaustif.

 

Selon l’interprétation proposée par le Juge, seules peuvent être considérées comme non susceptibles de contestation, à titre exclusif, les conciliations signées devant la commission de conciliation établie : i) auprès de l’ITL (inspection nationale du travail italienne) territorialement compétente, ou ii) conformément aux dispositions de la convention collective de travail nationale applicable au rapport de travail en question.

 

Dans l’affaire examinée par le Tribunal du fond, la convention collective de travail nationale applicable ne réglementait pas l’institution de la conciliation, et le procès-verbal avait été signé dans les locaux de l’entreprise de l’employeur, devant un représentant syndical. Le procès-verbal ainsi signé pouvait donc faire l’objet du recours visé à l’article 2113, deuxième paragraphe, du Code civil italien.

 

En outre, le Tribunal avait considéré qu’il apparaissait de l’instruction de l’affaire que le représentant syndical n’avait pas apporté d’assistance effective à la travailleuse, s’étant contenté d’être présent et de rappeler que le procès-verbal ne pourrait pas être contesté. Ce qui précède ne suffisait pas à garantir à la travailleuse une connaissance pleinement éclairée du contenu et des effets de l’accord qu’elle était pressée de signer.

 

Le Tribunal a donc conclu à la recevabilité du recours.

 

Conclusions

 

Dans la décision attaquée, le Tribunal avait, d’une part, fourni une interprétation restrictive de l’article 2113 du code civil italien et, d’autre part, confirmé une orientation jurisprudentielle constante.

 

En l’espèce, l’interprétation restrictive de l’article 2113 du Code civil italien pouvait se rattacher à la partie de cet article où il est indiqué que les conciliations signées devant un représentant syndical ne relèvent pas des dispositions du dernier paragraphe de la disposition législative en question si elles ne sont pas effectuées conformément à l’article 412 ter du Code de procédure civile italien. En réalité, cette dernière disposition semble être une disposition de « clôture » et non pas une liste exhaustive des contextes de conciliation.

 

En effet, cette disposition fait partie des « Autres modes de conciliation et d’arbitrage prévus par la négociation collective » et prévoit que « La conciliation et l’arbitrage, dans les matières visées à l’article 409, peuvent également être effectués dans les contextes et selon les modalités prévues par les conventions collectives signées par les organisations syndicales les plus représentatives ». En outre, l’article 2113 du Code civil italien lui-même renvoie à l’article 411 du Code de procédure civile italien, lequel fait expressément référence, sans son troisième paragraphe, au contexte syndical en tant que lieu où exercer l’activité de conciliation.

 

En revanche, le principe selon lequel, en l’absence d’une assistance syndicale efficace, le procès-verbal demeure contestable est un principe qui a été souligné à plusieurs reprises dans la jurisprudence, tant sur le fond que sur la forme. Enfin, la Cour de cassation italienne elle-même, dans son arrêt n° 9006 du 1er avril 2019, a rappelé que les renonciations et les transactions concernant les droits prévus par des dispositions impératives de la loi ou des conventions collectives contenues dans les procès-verbaux de conciliation dans un contexte syndical ne sont pas susceptibles de recours de la part du travailleur. Et il en est ainsi afin que l’assistance fournie par les représentants syndicaux puisse être considérée effective, de sorte à permettre au travailleur de savoir à quel droit il renonce et dans quelle mesure.

La Cour de cassation, dans son arrêt n° 12174 du 8 mai 2019, a statué sur l’article 3, paragraphe 2, du décret législatif italien n° 23/2015, affirmant qu’en « l’absence du fait matériel allégué à l’encontre du travailleur, concernant laquelle il demeure étrangère toute appréciation du caractère proportionné du licenciement, englobe non seulement les cas où le fait n’est pas survenu dans son caractère matériel, mais également tous les cas où le fait, matériellement survenu, n’a pas de portée disciplinaire ».
 
Les faits

Le Tribunal de Gênes, saisi d’une action intentée par une travailleuse licenciée pour avoir abandonné son poste, a déclaré illégal le licenciement disciplinaire prononcé et a mis a déclaré éteinte la relation de travail à compter de la date du licenciement lui-même, condamnant l’employeur (par contumace) à payer une indemnité égale à quatre mois de salaire, plus les frais et les dépens de la procédure.
La travailleuse avait fait appel de la décision de première instance afin d’obtenir sa réintégration dans son poste de travail, telle que prévu à l’article 3, paragraphe 2, du décret législatif italien n° 23/2015, au motif que le fait matériel imputé n’existait pas.
Pour rejeter l’exception formulée par la travailleuse, la Cour d’appel avait observé que le comportement reproché n’avait pas été contesté par la travailleuse quant à sa réalité historique, mais qu’il ne pouvait être considéré, compte tenu des circonstances dans lesquelles il s’était produit, d’une gravité propre à justifier le prononcé d’une mesure de licenciement.
Par conséquent, de l’avis de la Cour d’appel, c’est à juste titre que le Tribunal de première instance avait retenu le caractère applicable du dédommagement prévu à l’article 3, paragraphe 1, du décret législatif italien n° 23/2015, fixé à quatre mois de salaire.
La travailleuse s’est pourvue en cassation à l’encontre de la décision d’appel, se prévalant de deux motifs.
 
La règlementation applicable
L’affaire en question relève du champ d’application du décret législatif italien n° 23/2015, adopté en application de la loi italienne n° 183/2014 portant délégation, entre autres, au profit du gouvernement du pouvoir d’adopter un ou plusieurs décrets législatifs « afin de renforcer les possibilités d’entrée dans le monde du travail des demandeurs d’emploi, ainsi que de réorganiser les contrats de travail existants pour les rendre plus conformes aux besoins actuels du contexte du travail et de la production et pour rendre plus efficiente l’activité d’inspection ».
Parmi les principes et les critères directifs que le Gouvernement devait suivre dans l’exercice de ladite délégation, la loi n° 183/2014 avait également indiqué « la prévision, pour les nouvelles embauches, du contrat à durée indéterminée avec une protection accrue », pour lequel la possibilité de réintégration dans l’emploi devait être limitée aux licenciements nuls et discriminatoires et aux cas spécifiques de licenciements disciplinaires injustifiés.
En application de ces principes et critères, le décret législatif italien n° 23/2015 a été promulgué, prévoyant, pour les travailleurs embauchés après le 7 mars 2015 (date d’entrée en vigueur du décret) et pour des catégories spécifiques de travailleurs qui, bien qu’embauchés avant cette date, en sont les destinataires, la réintégration dans des cas résiduels. Cela sans modifier les concepts juridiques existants de « juste cause » et de « justification » dans le cadre du licenciement prononcé par l’employeur en vigueur.
En particulier, le paragraphe 1 du décret législatif italien n° 23/2015 prévoit que « dans les cas où il est établi que les conditions pour le prononcé d’un licenciement pour une raison objectivement justifiée ou pour une raison subjective justifiée ou pour juste cause se trouvent remplies, le juge déclare la relation de travail terminée à la date du licenciement et condamne l’employeur à verser une indemnité (…) »…
Le paragraphe 2 du même article dispose que « ce n’est qu’en cas de licenciement pour motif subjectif justifié ou pour juste cause, lorsqu’il est directement démontré en justice l’absence du fait matériel allégué à l’encontre du travailleur, sans entrer à connaître du caractère proportionné ou non du licenciement, que le juge peut annuler le licenciement et condamner l’employeur à la réintégration du travailleur sur son lieu de travail et au versement d’une indemnité (…) »…
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation italienne considère que l’articulation des protections prévues au décret législatif italien n° 23/2015 rappelle celle déjà entreprise par la loi italienne n° 92/2012 (la loi Fornero), également dans sa logique consistant à retenir la réintégration résiduelle par rapport au versement d’une indemnisation.
Toujours de l’avis de la Cour de cassation, les expressions utilisées dans le décret législatif italien n° 23/2015 (« fait matériel contesté ») ne peuvent que se référer à la notion de « fait matériel contesté » développée par la jurisprudence sur la légalité en relation avec l’article 18, paragraphe 4, de la loi italienne n° 300/1970.
Le fait survenu mais ne présentant pas de portée disciplinaire ne saurait se voir réserver un traitement, en termes de sanction, différent de celui prévu dans les cas où l’événement n’aurait pas été commis. En effet, le licenciement doit être justifié et s’avère illégitime s’il n’est pas justifié par un « motif valable » ou une « juste cause ».
A l’appui de cette interprétation, la Cour de cassation évoque la lecture, à la lumière de la Constitution italienne, de la disposition en question, devant être affirmé que « toute appréciation de la responsabilité, quel que soit le domaine du droit répressif exprimé, exige, pour le fait matériel attribué, du point de vue subjectif, son caractère imputable à l’agent et, du point de vue objectif, que ledit fait puisse être englobé parmi les actes légalement appréciables comme source de responsabilité ».
Le fait que l’art. 3 du décret législatif italien n° 23/2015, ainsi que l’article 18, paragraphe 4, de la loi italienne n° 300/1970, fassent référence à la contestation viennent renforcer une telle conclusion, le « fait matériel contesté » étant un fait non seulement matériellement existant mais aussi revêtant une portée disciplinaire.
Et la solution lexicale différente adoptée par le législateur en 2015 s’explique, selon la Cour de cassation italienne, par « la nécessité de dissiper les doutes interprétatifs qui, à l’époque, étaient bien présents dans le débat jurisprudentiel et doctrinal concernant le paragraphe 4 du nouvel article 18 ».
La Cour de cassation a donc infirmé l’arrêt de deuxième instance, renvoyant l’affaire devant les juges du fond pour qu’ils déterminent si le fait, bien que matériellement survenu, revêtait une portée disciplinaire.

En vue d’assurer un soutien adéquat aux soins parentaux, par le biais de mesures visant à promouvoir les possibilités de concilier travail et vie privée, l’article 24 du décret législatif italien n° 151/2015 réglemente l’institution des journées de congés/repos solidaires. En particulier, ce texte prévoit la possibilité pour tous les travailleurs de céder à titre gratuit à leurs collègues leurs jours de repos et de congés accumulés, afin de leur permettre de s’occuper de leurs enfants mineurs qui ont besoin de soins constants, car ils sont atteints d’affections ou de maladies particulières. La cession peut avoir pour objet : (i) des périodes de congés annuels payés supérieures à 4 semaines et (ii) des heures dépassant le temps de repos journalier nécessaire de « onze heures (…) toutes les 24 heures » et celles dépassant « vingt-quatre heures consécutives, qui coïncident généralement avec le dimanche, à cumuler avec les heures de repos quotidien » visées par le décret législatif italien n° 66/2003. Les mesures, conditions et modalités de cession correspondantes sont généralement prévues au sein des conventions collectives conclues par les syndicats les plus représentatifs au niveau national, conformément aux dispositions relatives aux congés et aux périodes de repos du décret législatif italien n° 66/2003, précité. En tout état de cause, ces systèmes de solidarité, en raison de leur nature et compte tenu de la définition donnée par l’art. 51 du décret législatif n° 81/2015 susvisé de « conventions collectives », peuvent également être établies par le biais d’accords au niveau de l’entreprise. Ceci à condition que les accords précités améliorent les conditions ou tendent à étendre le champ d’application de l’article 24 du décret législatif n° 151/2015, également en ce qui concerne les conditions des travailleurs qui bénéficieront de la cession de congés ou de jours de repos consentie par leurs collègues.