Antonella Iacobellis est intervenue dans le cadre d’un cours s’étant déroulé les 8 et 9 avril derniers relatif au module Droit du travail du master « Droit et Entreprise » (Rome) organisé par Il Sole 24 ORE Business School.

 

8 avril 2019

Le cours a porté sur les sources du droit du travail, l’instauration du contrat de travail, les éléments caractérisant le contrat de travail salarié et le contrat de travail autonome, et l’art. 2103 du code civil « Jus variandi », avec un accent particulier sur la rétrogradation.

 

Exercice : rédaction d’un contrat de travail salarié et d’une clause de non-concurrence

 

9 avril 2019

Le cours a porté sur la cessation du contrat de travail : protection réelle et protection obligatoire, licenciements individuels et collectifs, démissions. L’accent a été mis sur l’intervention de la Cour Constitutionnelle concernant la protection croissante et les prononcés successifs sur ce sujet.

 

Exercice : rédaction d’une lettre de licenciement pour motif objectif justifié.

Par sa récente sentence n° 285 du 1er février 2019, le Tribunal de Milan a statué sur la légitimité du comportement d’un employeur qui demande à un candidat de présenter un « extrait des procédures pénales en cours » (certificato dei carichi pendenti) le concernant et indique si ce dernier est tenu d’honorer la demande. L’affaire naît de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre d’un travailleur auquel il a été reproché de ne pas avoir indiqué, lors de son entretien d’embauche, qu’il avait été condamné pénalement, deux ans auparavant, à une peine de 4 ans et 4 mois de réclusion, pour des délits informatiques. La sentence reporte l’intégralité de la lettre de l’avertissement disciplinaire remise au travailleur, où étaient décrits en détail les faits imputés, comme, notamment, le fait d’utiliser les données abusivement dérobées à une femme, travaillant par ailleurs pour le même employeur, dans le but de les utiliser ensuite pour harceler sa collègue. En particulier, il était contesté au travailleur, d’une part, d’avoir adopté une conduite (celle du harcèlement) portant préjuice à la santé et à la sécurité sur le lieu de travail, au détriment d’une collègue et, d’autre part, d’avoir dissimulé les faits (et l’existence d’une condamnation pénale d’une telle importance), lors de son embauche. Suite à la procédure, le travailleur avait été sanctionné par une mise à pied, et par conséquent une suspension de salaire, de 10 jours. Le Tribunal de Milan, appelé à se prononcer sur le recours du travailleur, a annulé la mesure de sanction. Sur le premier point, de l’avis du soussigné, le juge s’est prononcé de manière discutable sur le fait que la mesure de suspension n’était pas adéquate pour sanctionner une atteinte à la santé et à la sécurité sur le lieu de travail, qui aurait plutôt dû être sanctionné par une mesure d’expulsion. En effet, le juge a fait valoir que, compte tenu de la gravité des faits contestés, « la nature [NDLR, conservatoire] de la sanction disciplinaire infligée (…) apparaît contradictoire et antithétique par rapport aux prémisses de l’avertissement disciplinaire », ce qui conduirait à la conclusion que la seule sanction légitime aurait pu être celle du licenciement. Quant à la violation présumée de la prétendue obligation de produire un extrait des procédures pénales en cours (certificato dei carichi pendenti), le juge milanais a exclu, en outre, que le travailleur était tenu à un devoir d’information générique, lors de son embauche, concernant l’existence de précédents de natue pénale à sa charge, en dehors des hypothèses où cela fait l’objet d’une demande spécifique de la part de l’employeur, pour la fonction publique ou pour des emplois bien précis. En conclusion, il est intéressant de noter que la sentence en question a réaffirmé – et précisé en ce qui concerne la phase de sélection du personnel – le principe selon lequel il n’est licite que dans certaines circonstances de demander au travailleur de présenter un « relevé des sanctions pénales » ou « casier judiciaire », faisant état des condamnations pénales prononcées (également conformément aux dispositions de l’art. 8 de la Loi italienne dite « Statuto dei Lavoratori ») ; tout en rappelant qu’il est encore absolument interdit de demander un « extrait des procédures pénales en cours » (certificato dei carichi pendenti), qui porterait atteinte à la présomption d’innocence de chaque citoyen tant qu’une condamnation définitive n’a pas été prononcée (arrêt n° 19012 du 17 juillet 2018 de la cour de cassation).

L’Italie devra adopter, d’ici le 6 juillet 2019, la Directive (UE) n° 1371/2017 (« Directive PIF ») relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, approuvée le 5 juillet 2017 par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne. Suite à son adoption, les fraudes TVA rentreront dans le cadre des délits visés au décret législatif 231/01. Selon les dispositions de la Directive PIF, les personnes juridiques peuvent en effet être estimées responsables des « infractions graves contre le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») » commises, à leur profit ou dans leur intérêt, par des dirigeants. La directive PIF définit d’infraction grave tout délit ayant des aspects de transnationalité, car concernant deux ou plusieurs pays au sein de l’Union européenne. En outre, le préjudice à l’intérêt financier de l’Union européenne doit s’élever à un montant d’au moins 10 000 000 euros pour que l’infraction puisse être considérée grave et entraîner, par conséquent, l’application d’une sanction. Parmi les sanctions prévues par la Directive PIF, il y a aussi bien des amendes que des mesures d’interdiction. Les mesures d’interdiction comprennent, plus particulièrement, des mesures d’exclusion du bénéfice d’un avantage ou d’une aide publics, la fermeture temporaire ou définitive d’établissements ayant servi à commettre l’infraction pénale, ou encore le placement sous surveillance judiciaire ou la dissolution de l’organisation. Il s’agit d’une nouveauté certainement intéressante, qui nécessitera avant toute chose un remaniement des modèles d’organisation et de gestion (MOG231) et, par conséquent, leur mise à jour. Par ailleurs, cette intervention législative permettra d’inclure dans l’éventail des délits visés au Décret législatif 231/01 ceux de nature purement fiscale, en réduisant, tout du moins abstraitement, dans les procédures judiciaires le risque d’interprétations jurisprudentielles dangereuses non rattachées à des données normatives catégorisées.

La Cour d’appel de Milan, par l’arrêt n° 2116 du 22 janvier 2019, a statué, réformant le jugement du premier degré n° 483/2017 du Tribunal de Monza, sur la validité du pacte d’essai joint au contrat de travail et sur la légitimité de l’avis de retrait pour non-respect du pacte.

Les faits

Un dirigeant a fait recours au Tribunal de Monza pour déclarer le pacte d’essai joint à son contrat de travail invalide et, par conséquent illégitime le licenciement qu’il avait subi, avec condamnation de la société, son ancien employeur, à verser une indemnité tenant lieu de préavis et d’indemnité supplémentaire.

De l’avis du Tribunal, le pacte d’essai était nul, car la référence au profil du « directeur commercial » ne permettait pas d’intégrer l’exigence de spécificité des fonctions requise par la jurisprudence, au point de ne pas permettre au dirigeant l’identification du contenu du pacte et des tâches à accomplir.

Le juge en première instance avait également fait valoir que plus le rôle attribué au travailleur était apical ou plus il concernait un travail intellectuel et non simplement exécutif, plus le degré de détermination et de spécificité requis pour l’indication des fonctions devait être élevé.

Toujours selon le Tribunal de Monza, dans le cas d’espèce, le fait de ne pas spécifier les fonctions dans le contrat de travail individuel ne pouvait pas suppléer au rappel à la négociation collective, car elle « contient une simple liste de personnel ayant un niveau de direction ».

Dans ce contexte, le Juge de première instance avait également considéré comme non pertinent, aux fins de la légitimité du pacte d’essai, le fait que le requérant avait précédemment exercé des fonctions analogues à celles déduites du contrat de travail.

Le Juge accueillait ainsi, avec le jugement n°483/2017, le recours présenté par le dirigeant. La société perdante a fait appel contre la décision de première instance en demandant que soit (i) vérifiée la validité du pacte d’essai ; (ii) déclarée la légitimité du retrait effectué et, en conséquence, réformé le jugement de première instance également dans la partie dans laquelle il l’avait condamnée au paiement en faveur du dirigeant de l’indemnité substituant le préavis (en plus du paiement de la cotisation sociale relative). sécurité sociale) et de l’indemnité supplémentaire.

La décision de la Cour d’appel

La Cour d’appel de Milan a accueilli le recours de la société employeur en réformant in toto le jugement de première instance.

En particulier, la Cour d’appel a statué que, en particulier dans les cas de travail intellectuel et non simplement exécutif, les fonctions ne doivent pas nécessairement être indiquées en détail, car il suffit que, sur la base de la formule utilisée dans le contrat, elles soient déterminables.

Selon la Cour d’appel, le recrutement avec qualification de Dirigeant conformément à la convention collective Dirigeants Industrie et l’attribution des fonctions de « directeur commercial » constituaient des données suffisamment claires et précises pour que le travailleur comprenne le type de fonctions que la société lui demandait d’exercer.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétendait le Tribunal de Monza, la Cour d’appel a estimé que l’indication des fonctions à l’intérieur du pacte d’essai opérée « per relationem » aux déclarations de la convention collective nationale du travail de secteur, était tout à fait suffisante pour identifier avec certitude les fonctions attribuées au défendeur.  

Sur ce point, en effet, la Cour d’appel a observé que la convention collective nationale des dirigeants Industrie :

  • qualifie de dirigeant le travailleur « qui assume un rôle dans l’entreprise caractérisé par un degré élevé de professionnalisme, d’autonomie et de pouvoir décisionnel et s’acquitte de sa fonction afin de promouvoir, coordonner et gérer la réalisation des objectifs de l’entreprise » et
  • elle précise que cette définition inclut « les directeurs, les co-directeurs, ceux qui sont placés à la tête de services ou de bureaux importants à haut pouvoir de direction (…) ».

 

En outre, la Cour d’appel a souligné que, lors des négociations préalables au recrutement, il avait été clairement expliqué au travailleur que le poste proposé était celui de « Responsable commercial » chargé de développer la politique commerciale, étant donné que la société voulait mieux définir « sa stratégie à la fois en termes de recherche de partenaires et de stratégie de vente par type de produit ».

Dans l’évaluation globale réalisée par la Cour d’appel de Milan, le fait que le dirigeant ait déjà exercé les fonctions de directeur commercial dans des sociétés précédentes a été souligné, ce qui rend tout à fait improbable qu’il n’ait pas bien compris la nature des fonctions objet de l’essai.

Par conséquent, selon la Cour d’appel de Milan, le rôle de « Directeur commercial » associé d’une part à la qualification de « Dirigeant » telle que définie par la convention collective nationale appliquée et, d’autre part, au type d’activité exercée, a limité avec une certaine précision les fonctions couvertes par le pacte d’essai. De plus, les fonctions étaient en cohérentes avec celles indiquées dans le pacte, comme il ressort des résultats de l’enquête préliminaire, le salarié ne s’étant jamais plaint, au cours des six derniers mois de travail, de ne pas exercer les fonctions de « Directeur commercial ».

Ainsi, la Cour d’appel de Milan a estimé que le pacte d’essai était pleinement valable et a condamné le dirigeant à restituer à la société le montant perçu en exécution du jugement de première instance, en plus des coûts liés au double degré de jugement.

 

 

 

 

Depuis le 16 mars 2019, certaines mesures contenues dans le D.L. 14 du 12 janvier 2019 publié dans le J.O, sont entrées en vigueur le 14 février, qui, en application de la loi habilitation 155 du 19 octobre 2017 introduit le nouveau « Code de la cirse de l’entreprise et de l’insolvabilité » (le « CCII »).

 

Désignation des organes de contrôle des S.r.l.

Après une série de dispositions d’application qui devront être promulguées – et dans l’attente de l’entrée en vigueur de la plupart des réformes, 18 mois après la publication au J.O. (et donc le 14 août 2020) – en vertu de l’art. 389 du CCII, en fait, l’entrée en vigueur est anticipée, entre autres, de l’art. 379, modifiant l’art. 2477 Code civ., réglemente la « désignation des organes de contrôle au sein des S.r.l. » (1) Or depuis le 16 mars 2019 la désignation de l’organe de contrôle et du réviseur est obligatoire si la S.r.l (2) est tenue à la rédaction du bilan consolidée :

 

  • contrôle une société devant faire la révision légale des comptes ;
  • ait dépassé pendant au moins deux exercices consécutifs une des limites suivantes :
  1. total de l’actif du bilan : 2 millions € (par rapport aux 4 400 000 € précédents),
  2. produits des ventes ou des prestations : 2 millions € (par rapport aux 8 800 000 € précédents),
  • employés occupés en moyenne pendant l’exercice : 10 unités (par rapport aux 50 unités précédentes).

 

Cette obligation de désignation cesse quand pendant trois exercices consécutifs, aucune des limites précédentes n’est dépassée.

 

Le bureau d’enregistrement des sociétés pourra signaler, comme tout autre personne intéressée, d’éventuelles défaillances afin que la désignation de l’organe de contrôle soit faite d’office.

 

Il est intéressant de noter que, selon une estimation de Bankitalia, les S.r.l. qui pourraient être touchées par l’obligation de désignation sont environ 140 000.

 

Il résulte de ce qui précède que les S.r.l. qui ont fait dans les statuts :

  • référence générique aux « cas/critères de loi » qui rendent obligatoires la désignation d’organe de contrôle ou réviseur, ou référence générique aux paramètres ex art. 2477 Code civ., ne devront pas la modifier ; par contre
  • si elles ont fait référence expresse aux paramètres visés à l’art. 2435 bis Code civ., qui ne sont plus actuellement rappelés, elles seront tenues à le faire.

 

Par ailleurs, en détail, au niveau de la structure organisationnelle (et donc, dans les statuts) il sera possible de choisir parmi une des options suivantes :

  • désignation du commissaire unique et du collège des commissaires (avec pour tâche le contrôle légal) et d »un réviseur (avec pour tâche le contrôle comptable) ;
  • désignation seulement du commissaire unique ou du collège des commissaires (avec pour tâche le contrôle légal) mais pas d’un réviseur ; dans ce cas les statuts doivent attribuer au collège des commissaires la tâche de la révision ;
  • désignation seulement du réviseur (avec pour tâche le contrôle comptable) et pas du collège des commissaires : dans ce cas le contrôle légal est effectué par les associés.

 

Il est juste de souligner que la ratio sous-jacente à toute la réforme, et donc à la CCII, repose (i) sur le renforcement des outils permettant d’anticiper la crise, d’une part, (ii) sur la préservation du « going concern » (de la « continuité de l’activité ») , comme souhaité au niveau transnational) et (iii) sur l’annulation de la dette, associée à la discontinuité de la gestion, d’autre part.

 

Conclusions

Il faut certainement se féliciter d’une réforme visant à encourager une plus grande prise de conscience et une « responsabilisation » de l’entrepreneur (un concept de dérivation européenne, similaire à ce qui s’est passé avec le célèbre GDPR et la réforme concernant la protection des données à caractère personnel). Toutefois il faudra vérifier à l’avenir si la nouvelle « limite des 10 employés » ne risquera pas d’encourager des pratiques de contournement, et donc l’atomisation d’entreprises, souvent déjà de dimensions réduites en Italie.