Economy a posé quelques questions sur le thème du smart working à Vittorio De Luca, Managing Partner de De Luca & Partners
À partir d’aujourd’hui 1er septembre 2022, il n’est plus possible de travailler en télétravail, appelé aussi smart working, sans un accord individuel précis conclu avec le travailleur. Sur ce thème, Economy a posé quelques questions à Vittorio De Luca, Managing Partner de De Luca & Partners.
AVANT QUELLE DATE LES EMPLOYEURS DONT LES SALARIÉS SONT EN TÉLÉTRAVAIL DEVRONT-ILS SE DOTER DE LA DOCUMENTATION NÉCESSAIRE, À SAVOIR DES ACCORDS INDIVIDUELS ?
Depuis le 31 août 2022, il n’est plus possible d’avoir recours au télétravail, modalité introduite dans le cadre de la crise sanitaire en l’absence d’un accord individuel valable. En conséquence, à partir du 1er septembre 2022, l’exécution de la prestation en télétravail sera permise exclusivement après la signature d’accords spécifiques entre l’employeur et le travailleur, selon la réglementation « ordinaire » dictée par les articles 18 et suivants de la loi n° 81/2017.
En revanche, la procédure simplifiée de communication au Ministère du travail devient quant à elle structurelle.
Notamment, l’article 41-bis du décret législatif n° 73/2022, converti par la loi n° 122/2022, prévoit que, à compter du 1er septembre, les employeurs pourront continuer à communiquer de façon télématique au Ministère du travail et des politiques sociales – au travers du portail prévu à cet effet – les coordonnées des télétravailleurs, sans besoin de transmettre les accords signés avec leurs salariés, comme le prévoyait à l’origine la loi n° 81/2017.
Comme le Ministère du travail l’a précisé dans sa note publiée vendredi dernier, cette communication doit être effectuée par les entreprises dans les cinq jours de la signature de cet accord individuel. Mais, en cas de première application des nouvelles modalités, cette obligation de communication pourra être remplie avant le 1er novembre 2022.
QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES POUR UN EMPLOYEUR SI UN SALARIÉ EN SMART WORKING SANS ACCORD RÉGULIER A UN ACCIDENT DU TRAVAIL ?
Sous réserve du caractère impératif d’un accord spécifique entre l’employeur et le travailleur, la réglementation actuellement en vigueur prévoit l’extension de l’assurance INAIL aux accidents du travail survenus pendant l’exercice du télétravail et aux accidents « de trajet s’ils sont causés par un risque lié à la prestation de travail ». L’employeur doit donc adopter toutes les mesures nécessaires afin de garantir la protection et l’exercice des activités en télétravail dans des conditions de sécurité : la réglementation en la matière prévoit que l’employeur doit fournir au travailleur, au moins une fois par an, une note d’information écrite sur les risques généraux et spécifiques liés à la modalité particulière d’exercice de la prestation, ainsi qu’une formation spécifique du télétravailleur.
Exercer son activité hors des locaux de l’entreprise, ou dans tous les cas hors du siège habituel de travail, fait courir des risques différents et additionnels pour la santé et la sécurité du salarié qui doit donc être informé et formé de manière appropriée. De son côté, le travailleur devra coopérer à l’application des mesures de prévention mises en place par l’employeur pour faire face à ces risques. Au cas où le travailleur recevrait une formation non appropriée et subirait, suite à cette carence, un accident du travail, l’employeur est civilement responsable, comme dans tous les cas de fait dommageable, et pénalement dans les cas les plus graves (par exemple : lésions involontaires ou homicide involontaire).
Sous réserve de ce qui est prévu en matière d’assurance, à compter du 1er septembre 2022, l’exécution de la prestation en télétravail, à défaut de l’accord individuel nécessaire, soumet les employeurs aux risques dérivant de la violation de la réglementation en matière de télétravail.
LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION AURA-T-ELLE DES CONSÉQUENCES SUR LES INSTRUMENTS DE PROTECTION SOCIALE COMME PAR EXEMPLE LES CHÈQUES-REPAS ?
La nouvelle réglementation ne prévoit rien en matière de protection sociale. Un des thèmes ayant souvent fait l’objet de discussions pendant la crise sanitaire est la légitimité ou non de la révocation des chèques-repas aux télétravailleurs. À ce sujet, il convient de souligner que, en principe, l’article 20, alinéa 1, de la loi n° 81/2017 dispose que le télétravailleur a droit à un traitement économique et juridique non inférieur à celui globalement appliqué aux travailleurs qui exercent les mêmes fonctions sur site.
Néanmoins, la Jurisprudence a établi que les chèques-repas ne peuvent pas être qualifiés de rétribution « normale ». Ils doivent de par leur nature plutôt être considérés comme un avantage à caractère d’assistance lié au contrat de travail par un lien purement occasionnel. Ils ne font donc pas partie de la rétribution au sens strict (Cour de cassation, ordonnance n° 16135 du 28 juillet 2020). Il serait donc, en principe, légitime pour l’employeur d’accorder des chèques-repas seulement aux seuls travailleurs sur site, en excluant les télétravailleurs. Dans tous les cas, il faudra vérifier ce que prévoit le contrat d’embauche, pour éviter que des obligations précises prises au moment de l’embauche par l’employeur ne soient pas respectées.
DEPUIS VOTRE POSTE D’OBSERVATION PRIVILÉGIÉ, VOS ENTREPRISES CLIENTES SONT-ELLES SELON VOUS PRÉPARÉES À CE PASSAGE ?
Nous pensons qu’une grande partie des entreprises tenait pour acquise une énième prorogation. Le mois d’août 2022 a en revanche été caractérisé par une hyperactivité peu habituelle du législateur. Pour ne citer que les principales nouveautés, au mois d’août, sont en effet entrés en vigueur le décret « Transparence », qui donne pas mal de fil à retordre aux services des ressources humaines des entreprises, et les nouveaux congés parentaux (décret).
ET LES ACCORDS INDIVIDUELS ÉTAIENT-ILS DÉJÀ SIGNÉS DEPUIS LONGTEMPS OU ONT-ILS ÉTÉ STIPULÉS RÉCEMMENT ?
Comme nous continuons à le dire depuis mars 2020, l’accord individuel est une opportunité avant d’être une obligation. En effet, quand les travailleurs exercent leur activité à distance, il est indispensable de réglementer leur prestation pour ne pas perdre le contrôle de la situation. Par ailleurs, la mise en place d’un projet de télétravail nécessite d’impliquer différents services et compétences au sein de l’entreprise (des ressources humaines pour tous les aspects concernant l’organisation et la gestion de l’activité professionnelle, au service IT pour la structure informatique et les instruments de l’entreprise nécessaires pour exercer cette activité hors du bureau, en passant par les compétences juridiques en matière de protection des données personnelles, de santé et de sécurité, etc.).
Les nouvelles obligations en vigueur depuis le 1er septembre peuvent difficilement être remplies à temps si l’on ne s’y est pas préparé au moins ces dernières semaines. Évidemment, les entreprises les mieux organisées, qui se sont préparées de longue date, n’ont à présent plus qu’à adapter les politiques et les accords individuels en matière de télétravail, en fonction de l’évolution des exigences et des problèmes qui se présenteront.
EN MATIÈRE DE SMARTWORKING, Y A-T-IL DES SECTEURS DE PRODUCTION PLUS À L’AVANT-GARDE QUE D’AUTRES ?
Au fil des années, nous avons eu l’occasion de travailler avec des entreprises dans les secteurs les plus disparates (de la restauration à l’aviation, de la fabrication de meubles et ameublements à l’énergie). On ne peut affirmer qu’il existe des secteurs de production plus à l’avant-garde que d’autres, mais plutôt qu’il y a des entreprises (bien qu’appartenant à des secteurs différents) qui ont décidé d’appliquer des modèles de travail de façon plus ou moins structurée.