De Luca & Partners

Droit de recours contre les procès-verbaux de conciliation signés dans un contexte syndical

La troisième section du travail du Tribunal civil de Rome (Italie), dans sa décision n° 4354 du 8 mai 2019, a jugé que les procès-verbaux de conciliation signés par les travailleurs dans un contexte syndical sont susceptibles de recours dans le délai visé à l’article 2113 du Code civil italien, lorsque la convention collective nationale applicable ne régit pas l’institution de la conciliation et la procédure correspondante ainsi que si le représentant syndical ne fournit aucune assistance effective.

 

Les faits

 

Une salariée d’une entreprise du secteur de la métallurgie, officiellement embauchée à compter du 21 avril 2015 et licenciée le 16 mai 2016, a contesté devant le Tribunal de Rome le procès-verbal de conciliation signé dans un cadre syndical le 21 avril 2015, par lequel elle avait renoncé à soulever toute réclamation relative à la relation de travail parasubordonné qu’elle entretenait avec le même employeur depuis le 21 janvier 2003. En particulier, la requérante a fait valoir : (i) qu’elle s’était acquittée des mêmes tâches professionnelles dans les locaux du même employeur depuis le mois de janvier 2003, en vertu de toute une série de contrats de travail conclus de façon discontinue ; (ii) qu’elle avait été incitée par l’employeur à signer, le 21 avril 2015, un procès-verbal de conciliation syndicale avec renonciation à se prévaloir du rapport de travail antérieur en tant que seul moyen de pouvoir être embauchée ; (iii) qu’elle n’avait jamais rencontré le représentant syndical avant cette réunion et que celui-ci avait été un simple observateur lors de cette dernière. La travailleuse sollicitait ainsi la reconnaissance de la nature subordonnée de la relation de travail à compter du 1er janvier 2003, ainsi que la condamnation de l’employeur à procéder au règlement des cotisations dues ainsi que des différences de salaire correspondantes. L’employeur, quant à lui, a contesté les demandes adverses et a insisté sur la validité du procès-verbal signé devant le représentant syndical et sur son caractère inattaquable en vertu du dernier paragraphe de l’article 2113 du Code civil italien.

 

Réglementation de référence

L’institution des renonciations et des transactions dans le domaine des relations de travail est régie par l’art. 2113 du Code civil italien qui, après avoir consacré, dans son premier paragraphe, l’invalidité des renonciations et des transactions concernant les droits du travailleur découlant des dispositions impératives de la loi et des conventions collectives ou contrats, dispose, dans son deuxième paragraphe, que « la contestation doit être présentée, sous peine de forclusion, dans les six mois suivant la date de la cessation du rapport ou suivant la date de la renonciation ou de la transaction, si celles-ci ont eu lieu après ladite cessation » La même disposition précise également, dans son dernier paragraphe , que le caractère non contestable ne s’applique pas « à la conciliation intervenue dans le cadre des articles 185, 410, 411, 412-ter et 412-quater du Code de procédure civile ».

 

L’arrêt de la Cour de cassation italienne

 

Le Tribunal saisi de l’affaire avait conclu que le procès-verbal pouvait être contesté. En particulier, selon le Tribunal, le procès-verbal avait été signé dans un contexte autre que ceux énumérés à l’article 2113, dernier paragraphe, du Code civil italien, dont le contenu doit être considéré exhaustif.

 

Selon l’interprétation proposée par le Juge, seules peuvent être considérées comme non susceptibles de contestation, à titre exclusif, les conciliations signées devant la commission de conciliation établie : i) auprès de l’ITL (inspection nationale du travail italienne) territorialement compétente, ou ii) conformément aux dispositions de la convention collective de travail nationale applicable au rapport de travail en question.

 

Dans l’affaire examinée par le Tribunal du fond, la convention collective de travail nationale applicable ne réglementait pas l’institution de la conciliation, et le procès-verbal avait été signé dans les locaux de l’entreprise de l’employeur, devant un représentant syndical. Le procès-verbal ainsi signé pouvait donc faire l’objet du recours visé à l’article 2113, deuxième paragraphe, du Code civil italien.

 

En outre, le Tribunal avait considéré qu’il apparaissait de l’instruction de l’affaire que le représentant syndical n’avait pas apporté d’assistance effective à la travailleuse, s’étant contenté d’être présent et de rappeler que le procès-verbal ne pourrait pas être contesté. Ce qui précède ne suffisait pas à garantir à la travailleuse une connaissance pleinement éclairée du contenu et des effets de l’accord qu’elle était pressée de signer.

 

Le Tribunal a donc conclu à la recevabilité du recours.

 

Conclusions

 

Dans la décision attaquée, le Tribunal avait, d’une part, fourni une interprétation restrictive de l’article 2113 du code civil italien et, d’autre part, confirmé une orientation jurisprudentielle constante.

 

En l’espèce, l’interprétation restrictive de l’article 2113 du Code civil italien pouvait se rattacher à la partie de cet article où il est indiqué que les conciliations signées devant un représentant syndical ne relèvent pas des dispositions du dernier paragraphe de la disposition législative en question si elles ne sont pas effectuées conformément à l’article 412 ter du Code de procédure civile italien. En réalité, cette dernière disposition semble être une disposition de « clôture » et non pas une liste exhaustive des contextes de conciliation.

 

En effet, cette disposition fait partie des « Autres modes de conciliation et d’arbitrage prévus par la négociation collective » et prévoit que « La conciliation et l’arbitrage, dans les matières visées à l’article 409, peuvent également être effectués dans les contextes et selon les modalités prévues par les conventions collectives signées par les organisations syndicales les plus représentatives ». En outre, l’article 2113 du Code civil italien lui-même renvoie à l’article 411 du Code de procédure civile italien, lequel fait expressément référence, sans son troisième paragraphe, au contexte syndical en tant que lieu où exercer l’activité de conciliation.

 

En revanche, le principe selon lequel, en l’absence d’une assistance syndicale efficace, le procès-verbal demeure contestable est un principe qui a été souligné à plusieurs reprises dans la jurisprudence, tant sur le fond que sur la forme. Enfin, la Cour de cassation italienne elle-même, dans son arrêt n° 9006 du 1er avril 2019, a rappelé que les renonciations et les transactions concernant les droits prévus par des dispositions impératives de la loi ou des conventions collectives contenues dans les procès-verbaux de conciliation dans un contexte syndical ne sont pas susceptibles de recours de la part du travailleur. Et il en est ainsi afin que l’assistance fournie par les représentants syndicaux puisse être considérée effective, de sorte à permettre au travailleur de savoir à quel droit il renonce et dans quelle mesure.

Quitter la version mobile