L’Intelligence Artificielle (IA) est désormais une composante concrète des processus d’entreprise, trouvant une application croissante notamment dans la gestion des ressources humaines. Les algorithmes promettent efficacité et impartialité dans des activités complexes telles que le recrutement, l’évaluation des performances ou l’attribution des missions. Toutefois, cette promesse s’accompagne de risques importants. En raison précisément de leur incidence potentielle sur les droits fondamentaux, les systèmes d’IA utilisés dans le contexte du travail sont aujourd’hui considérés comme des “technologies à haut risque”, soumises à des obligations strictes de transparence, de supervision humaine et d’évaluation de l’impact sur les travailleurs.
C’est dans ce contexte que s’insèrent les “Lignes directrices pour l’utilisation des systèmes d’Intelligence Artificielle dans le contexte du travail” publiées récemment par le Ministère du Travail : il ne s’agit pas d’une norme contraignante, mais d’un document stratégique qui représente une orientation politique et culturelle claire pour le tissu productif italien, avec une attention particulière portée aux PME. L’objectif est double : promouvoir une adoption consciente de l’IA et assurer la pleine protection des droits des travailleurs.
Le document repose sur un message sans équivoque : l’IA ne peut pas être une “boîte noire” qui décide de manière opaque et incontestable. Même lorsque la technologie est développée par des tiers, la responsabilité finale incombe toujours à l’employeur. Pour les entreprises, il s’agit de passer d’une phase expérimentale à une gestion structurée, conforme aux principes de conformité et de durabilité.
Les quatre piliers des lignes directrices relatives à l’utilisation de l’IA
Le document ministériel s’articule autour de quatre axes fondamentaux, qui formalisent des obligations déjà présentes dans le cadre normatif et jurisprudentiel actuel, tout en en renforçant l’application dans une perspective préventive.
1. Supervision humaine obligatoire
Les décisions qui influencent la position juridique du travailleur – embauches, promotions, évaluations, mesures disciplinaires ou licenciements – ne peuvent pas être laissées à la seule appréciation algorithmique. Un contrôle humain effectif, conscient et traçable est nécessaire, exercé par une personne compétente et habilitée. Cette personne doit être en mesure de comprendre, valider ou même contester les indications de la machine, en assumant l’entière responsabilité de la décision finale.
2. Obligation de transparence algorithmique
Les entreprises doivent informer de manière claire et accessible les travailleurs de l’utilisation de l’IA dans les processus qui les concernent. Une communication générique ne suffit pas : il faut expliquer quelles données sont traitées (CV, performances, tests d’aptitude), quelles logiques et quels critères l’algorithme utilise et quel impact cela a sur la décision finale. Le principe directeur est « l’intelligibilité » : le système doit être explicable, compréhensible et contestable.
3. Évaluation d’impact et atténuation du risque
Conformément à l’AI Act européen, l’utilisation de l’IA dans le domaine des ressources humaines est qualifiée d’activité à haut risque. Il en découle une obligation pour l’employeur d’effectuer, avant la mise en service, une évaluation d’impact tenant compte des effets discriminatoires potentiels, de la protection de la vie privée et de la qualité des données utilisées. Les Lignes directrices encouragent également l’introduction d’audits périodiques et de contrôles systématiques sur le fonctionnement des algorithmes.
4. Cartographie et accountability
L’entreprise doit savoir quels systèmes d’IA elle utilise, où, à quelles fins et qui en est responsable. La responsabilité ne peut pas être déléguée au fournisseur de la technologie : c’est à l’organisation de garantir une utilisation correcte et éthique des systèmes, à travers une gouvernance interne appropriée. La cartographie des systèmes et la définition des rôles internes représentent une exigence essentielle au respect du principe d’accountability.
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Les contrôles doivent toujours s’effectuer dans le plein respect de la vie privée et de la dignité du salarié.
Le recours aux agences d’investigation constitue un outil potentiellement très efficace pour les entreprises, leur permettant d’identifier d’éventuelles conduites illicites adoptées par leurs employés, comme dans le cas d’une utilisation abusive des congés prévus par la loi 104/92. Cependant, il est indispensable de concilier, d’une part, le besoin de l’employeur de protéger et sauvegarder les intérêts de l’entreprise et, d’autre part, la garantie pour le salarié du respect de sa dignité et de sa confidentialité. Lors du recours à ce type de solution, il convient d’éviter toute forme de surveillance intrusive ou indiscriminée.
À cet égard, il convient de préciser qu’il est sans aucun doute interdit de recourir à des enquêtes menées par des agences d’investigation destinées au contrôle de l’activité professionnelle de leurs propres employés, car l’article 4 du Statut des travailleurs dispose expressément que les contrôles effectués par le biais d’investigations externes ne peuvent porter sur l’exécution de la prestation de travail. En revanche, les contrôles visant à détecter des comportements illicites qui dépassent les activités professionnelles normales peuvent être légitimes.
En particulier, la jurisprudence a constamment reconnu la légitimité du contrôle par des enquêteurs visant à vérifier des comportements susceptibles de constituer des infractions pénales ou d’intégrer des activités frauduleuses, comme dans le cas d’un contrôle destiné à vérifier l’utilisation correcte des congés prévus par la loi 104 (Cass. civ., Section travail, Ordonnance du 30 janvier 2025, n. 2157 ; Cass. civ., Section travail, Ordonnance du 20 juin 2024, n. 17004).
En outre, la jurisprudence a réaffirmé que le recours aux agences d’investigation doit être justifié par des raisons concrètes. En effet, l’enquête n’est considérée comme légitime que s’il existe des soupçons fondés de la part de l’employeur quant à un usage abusif des congés par le salarié.
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Analyse et impacts de l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 111/2025, qui introduit également une nouvelle variable factuelle dans les litiges liés aux licenciements : l’état de santé psycho-physique du salarié
Avec l’arrêt n° 111/2025, déposé le 18 juillet 2025, la Cour constitutionnelle a prononcé une intervention d’un impact considérable sur le droit du travail, déclarant l’inconstitutionnalité partielle de l’article 6, premier alinéa, de la loi du 15 juillet 1966, n° 604, dans la partie où il ne prévoit pas que, lorsque le salarié se trouve dans un état d’incapacité de comprendre et de vouloir au moment de la réception de la notification de licenciement ou pendant le délai de 60 jours pour la contestation extrajudiciaire, il soit dispensé de l’obligation de cette contestation préalable et puisse contester le licenciement directement par voie judiciaire (ou par une demande de conciliation ou d’arbitrage) à présenter dans un délai de 240 jours à compter de la notification de la rupture.
Pour comprendre la portée de la décision rendue par la Cour constitutionnelle, il est nécessaire de définir le contexte législatif et jurisprudentiel dans lequel elle s’inscrit.
Le cœur de la réglementation est dicté par l’article 6 de la loi du 15 juillet 1966, n° 604. Dans sa formulation actuelle, issue des modifications introduites d’abord par l’article 32 de la loi n° 183/2010, puis par l’article 1, alinéa 38, de la loi n° 92/2012, la norme structure la contestation du licenciement comme une procédure à formation progressive, marquée par une double barrière temporelle :
Le non-respect d’une seule de ces conditions entraîne la perte du droit de recours et, par conséquent, la stabilisation des effets du licenciement, privant ainsi le travailleur de la protection spécifique (réintégration) et de la simple indemnisation prévues par la réglementation spéciale.
La qualification du délai comme « délai de forclusion » revêt une importance cruciale. Conformément à l’article 2964 du Code civil, la forclusion n’est soumise ni à interruption ni à suspension, sauf disposition contraire. Ce principe général rend le délai de contestation du licenciement imperméable à des événements subjectifs qui pourraient normalement suspendre le cours du temps, comme la maladie. La raison d’être de cette institution est d’imposer l’exercice d’un droit dans un délai prédéterminé et court, afin de cristalliser une situation juridique incertaine.
Le délai de 60 jours (dies a quo) commence à courir à compter de la « réception » de la notification de licenciement. Le licenciement étant un acte unilatéral réceptif, son efficacité et le début des délais qui y sont liés sont régis par l’article 1335 du Code civil. Cette disposition établit une présomption de connaissance : « La proposition, l’acceptation, leur révocation et toute autre déclaration adressée à une personne déterminée sont réputées connues dès leur arrivée à l’adresse du destinataire, si celui-ci ne prouve pas qu’il lui était impossible, sans faute de sa part, d’en avoir connaissance ».
C’est précisément sur l’interprétation de cette règle que se fonde l’orientation jurisprudentielle consolidée.
En effet, la jurisprudence de légalité, à partir de décisions anciennes (Cass. n° 5563 de 1982), a interprété les règles décrites ci-dessus de manière rigoureuse et formaliste, en privilégiant l’exigence de certitude.
L’orientation dominante adhère à la « théorie de la réception » ou « de la connaissabilité ». Selon cette interprétation, ce qui importe aux fins de la production des effets de l’acte n’est pas la connaissance effective par le destinataire, mais sa simple connaissabilité, qui est présumée dès lors que l’acte parvient à son adresse.
La conséquence directe de cette approche est que la preuve contraire admise par l’article 1335 du Code civil (« impossibilité d’en avoir connaissance sans faute de sa part ») ne peut porter sur les conditions subjectives du destinataire.
Comme le soulignent les Chambres réunies dans l’ordonnance de renvoi à la Cour constitutionnelle, « la preuve susceptible de renverser la présomption doit donc porter sur des circonstances qui ne concernent pas les conditions subjectives du destinataire, mais sur des facteurs externes et objectifs qui, concernant le lien entre le sujet et le lieu de livraison, sont de nature à exclure la connaissance de l’acte » (Cour de cassation, SS.UU., ordonnance du 5 septembre 2024, inscrite au n° 202 du registre des ordonnances 2024).
Par conséquent, l’état d’incapacité de comprendre et de vouloir du travailleur, étant une condition purement subjective et interne à sa sphère personnelle, a toujours été considéré comme non pertinent aux fins du délai de prescription. Le délai commence à courir inexorablement à partir du moment où la lettre de licenciement est remise, indépendamment du fait que le travailleur soit en mesure d’en comprendre le contenu et d’y réagir.
Dans l’ordonnance de renvoi à la Cour constitutionnelle, les chambres réunies ont également exclu la possibilité de protéger le travailleur incapable par l’application de l’article 428 du Code civil, qui prévoit la nullité des actes accomplis par une personne incapable de discernement. La raison de cette exclusion, bien argumentée dans l’ordonnance de renvoi, réside dans le fait que l’article 428 du Code civil se réfère à des « actes accomplis », c’est-à-dire à des comportements commis (par exemple, la signature d’un contrat). Le fait de ne pas contester le licenciement, en revanche, est un comportement omissif, un « non-agir » pour la protection de ses propres droits, auquel la norme ne peut s’étendre.
La jurisprudence a toujours justifié cette rigueur interprétative par la nécessité d’équilibrer les intérêts en jeu. Si, d’une part, le travailleur a droit à la stabilité de son emploi, d’autre part, l’employeur a intérêt à « la continuité et à la stabilité de la gestion de l’entreprise ». L’imposition d’un bref délai de forclusion répond précisément à cette seconde exigence, en évitant que les décisions organisationnelles de l’entreprise restent dans un état d’incertitude pendant une longue période. Dans cette optique, la forclusion n’est pas une sanction pour inertie coupable, mais la conséquence objective du non-respect d’une obligation procédurale visant à garantir la stabilité des relations économiques.
En résumé, le tableau qui se dégage est celui d’un système normatif et jurisprudentiel « granitique », reposant sur trois piliers :
C’est précisément contre la rigidité de ce système bien établi que s’insurge l’ordonnance de renvoi des Chambres réunies de la Cour de cassation. Tout en reconnaissant sa cohérence interne et son objectif de certitude, la Cour renvoyante met en doute sa compatibilité avec les principes constitutionnels fondamentaux (raisonnabilité, égalité, droit au travail, à la défense et à la santé) lorsqu’il s’applique à des situations extrêmes d’« incapacité absolue et non fautive de comprendre et de s’autodéterminer », dans lesquelles l’équilibre des intérêts apparaît manifestement disproportionné au détriment du travailleur.
L’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle trouve son origine dans une question soulevée par les l’article 3 de la Constitution, pour cause d’irrationalité manifeste, dans la mesure où il assimile des situations différentes (celle du travailleur capable et celle du travailleur incapable) et sacrifie de manière disproportionnée un droit fondamental ;
La Cour de cassation avait donc demandé à la Cour constitutionnelle d’intervenir par un arrêt additionnel qui ferait courir le délai de prescription non pas à compter de la réception de l’acte, mais à compter du moment où le travailleur aurait recouvré sa capacité de discernement.
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Par l’ordonnance n° 15987 de 2025, la Cour de cassation italienne a établi que la notification du licenciement est réputée connue par le destinataire dès qu’elle est envoyée à son adresse de résidence, même si le salarié n’en est pas effectivement informé.
Le cas en question concerne un licenciement prononcé pour inaptitude absolue et permanente au travail, communiqué à un salarié par lettre recommandée envoyée à son adresse de résidence. En particulier, la lettre de licenciement, régulièrement distribuée, a été retirée par la mère du salarié, qui vivait avec lui, et qui a décidé de ne pas lui remettre la lettre afin de le protéger d’éventuelles répercussions psychologiques que la nouvelle du licenciement aurait pu provoquer. Par conséquent, le salarié a contesté le licenciement après l’expiration du délai légal de 60 jours à compter de la réception de la notification, invoquant, pour justifier le retard, le fait qu’il n’avait pas eu connaissance du licenciement.
Cependant, tant le tribunal de première instance que la Cour d’appel de Bologne (en deuxième instance) ont déclaré le recours irrecevable, en raison de l’expiration du délai de contestation, considérant comme valable la notification reçue à l’adresse du salarié. Ils ont reconnu l’existence d’une présomption légale de connaissance, fondée sur l’équivalence juridique entre la connaissance effective et la possibilité de connaissance, en lien avec la réception d’un acte au domicile du destinataire.
La Cour de cassation a donc confirmé cette interprétation, en réaffirmant que, selon le droit italien, il existe une présomption légale de connaissance des actes : un acte est considéré comme connu dès qu’il parvient à l’adresse du destinataire. Cette présomption ne peut être renversée que par des obstacles objectifs et indépendants de la volonté du salarié, tels que des catastrophes naturelles, de graves dysfonctionnements postaux ou des absences prolongées dues à des cas de force majeure, mais non par des facteurs subjectifs propres au destinataire.
En conclusion, l’arrêt réaffirme que, selon le droit italien, les délais pour contester un licenciement sont impératifs et commencent à courir dès que la notification parvient à l’adresse du salarié, même dans les cas où des éléments subjectifs empêchent le salarié d’avoir connaissance de la mesure disciplinaire prise à son encontre.
Par l’arrêt n° 315 du 5 juin 2025, le Tribunal de Vicence a affirmé qu’aux fins de la compétence territoriale, la résidence du travailleur en télétravail ne peut être pertinente que s’il ressort que, à son domicile, est exercée de manière stable et organisée une partie essentielle de l’activité professionnelle, de nature à y localiser l’exécution de la prestation.
En contestant en justice le licenciement prononcé à son encontre par l’employeur, le travailleur – exerçant des fonctions de « commercial externe » – introduisait l’instance devant le juge du lieu où il résidait et où il utilisait l’ordinateur portable et le téléphone mobile qui lui avaient été fournis par l’entreprise.
Dans le cadre de sa constitution en justice, la société employeur soulevait, à titre préliminaire, l’incompétence territoriale du juge saisi.
Face à l’exception soulevée par la société défenderesse, le Tribunal rappelait, en premier lieu, la disposition de l’art. 413, al. 2, du Code de procédure civile qui, comme on le sait, rattache la compétence territoriale à trois critères alternatifs, à savoir la circonscription dans laquelle (i) la relation de travail est née, (ii) se trouve l’entreprise ou (iii) l’un de ses établissements auquel le travailleur est affecté ou auprès duquel il exerçait son activité au moment de la fin de la relation.
En se référant à la jurisprudence de légitimité, le Tribunal soulignait en outre la nécessité d’interpréter de manière extensive la notion d’établissement de l’entreprise, afin de permettre « de rendre le procès plus fonctionnel et plus rapide, en l’ancrant dans les lieux normalement les plus proches de la résidence du salarié, où les éléments de preuve nécessaires au jugement sont plus facilement accessibles (Cass. n° 506/2019 ; Cass. n° 6458/2018) ».
Ceci étant posé, le Tribunal précisait que, dans tous les cas, « il faut toujours l’existence d’un lien objectif ou subjectif entre le lieu où le travailleur accomplit sa prestation et l’organisation de l’entreprise ».
Il convient en effet de considérer que lorsque l’activité en télétravail peut être exercée de manière interchangeable dans n’importe quel lieu, sans qu’il ressorte de l’habitation du travailleur « aucun autre élément (ou lien objectif ou subjectif, comme indiqué ci-dessus) qui la caractériserait en tant qu’établissement de l’entreprise, au sens défini », alors ce critère ne peut être pris en considération pour déterminer la compétence territoriale, ne restant que les critères du lieu de conclusion du contrat (…) ou du siège où le travailleur était affecté (…).
Sur ces bases, le Tribunal de Vicence – ne considérant pas établi qu’au domicile du requérant fût organisée et exercée de manière stable une partie essentielle de sa prestation, de nature à ancrer suffisamment solidement l’activité à ce lieu – a accueilli l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la société.