La Cour de cassation italienne, dans son arrêt n° 21357/2019, a déclaré qu’une entreprise ne peut se retirer unilatéralement de la convention collective signée par l’organisation patronale à laquelle elle adhérait avant son expiration. Ceci, même si cette convention est devenue trop onéreuse au fil du temps.
Les faits
La Cour d’appel de Turin a confirmé la décision de première instance rejetant l’opposition de la Federazione Italiana Lavoratori Chimica Tessile Energia Manifatture FILCTEM – CGIL Provinciale di Torino et la demande reconventionnelle de l’entreprise employeur à l’encontre de la décision des premiers juges déclarant , qui avait déclaré son comportement contraire au droit syndical. Cette conduite avait consisté à ne pas avoir informé et consulté le syndicat FILCTEM sur les négociations qui avaient abouti à l’accord du 13 décembre 2011, impliquant l’extension à tous les travailleurs de la convention collective spécifique du 29 décembre 2011 dans sa version définitive, conclue avec FIM CISL, UILM, FISMIC, UGL et Associazione Quadri e Capi Fiat.
La Cour d’appel, niant le caractère contraire au droit syndical invoqué, avait confirmé la légitimité de la conclusion d’une nouvelle convention collective avec des organisations syndicales en tout ou en partie différentes (y compris pour le secteur métallurgiste) de celles qui avaient signé la convention collective antérieure. En statuant en ce sens, la Cour d’appel s’était référée à un arrêt de la Cour suprême, selon lequel il n’existe aucune obligation dans le système juridique italien pour l’employeur de négocier et de conclure des conventions collectives avec toutes les organisations syndicales, relevant de l’autonomie des négociations la possibilité de signer une nouvelle convention collective avec des organisations syndicales, même différentes de celles qui avaient négociée et signé la convention précédente.
La raison invoquée pour conclure l’autre convention était que dans huit des treize usines, la CCNL pour le secteur de la métallurgie était déjà appliquée avant le 1er janvier 2012, et à cela s’ajoutait le fait que la majorité des 27 RSU des cinq usines dans lesquelles la CCNL pour le secteur caoutchouc-plastique était appliquée n’était pas attribuable à FILCTEM – CGIL, comme la majorité des 58 RSU de toutes les usines.
FILCETEM s’est pourvu en cassation à l’encontre de cet arrêt, invoquant un moyen unique auquel l’entreprise s’est opposée.
L’arrêt de la Cour de cassation italienne
La Cour de cassation, faisant droit au pourvoi de FILCETEM, a rappelé une orientation jurisprudentielle constante, selon laquelle « (…) dans la convention collective de travail la possibilité de retrait revient aux seules parties contractantes, c’est-à-dire, aux syndicats et associations d’employeurs qui réglementent normalement aussi les conséquences du retrait ; dans ces conditions, l’employeur individuel n’est donc pas autorisé à se retirer unilatéralement de la convention collective, même en invoquant son caractère excessivement onéreux, aux termes de l’article 2 1467 du Code civil italien, c., résultant de sa propre situation de difficulté économique, à l’exception de l’hypothèse des contrats d’entreprise conclus par l’employeur à titre individuel avec les syndicats locaux de travailleurs » (voir Cour de cassation italienne n° 8994/2011, n° 3296/2002 et n° 15863/2002, rappelant l’arrêt de la Cour de cassation italienne n° 25062/2013). Par conséquent « le retrait unilatéral par l’employeur de la convention collective appliquée, même assorti d’un délai de préavis raisonnable, n’est pas légitime. Ce n’est qu’au moment de l’expiration de la convention collective qu’il sera possible de s’en retirer et d’en appliquer une autre si les conditions prévues à l’article 2069 du Code civil italien sont remplies » voir Cour de cassation italienne, n° 25062/2013).
L’employeur se voit reconnaître le droit de dénoncer une convention collective de droit commun conclue pour une durée indéterminée et pour laquelle une date d’expiration n’a pas été fixée au préalable, étant donné que la convention ne saurait lier toutes les parties contractantes à tout jamais. À défaut, la cause et la fonction sociale de la négociation collective seraient réduites à néant, dont la discipline, toujours modelée sur des délais non excessivement longs, doit être paramétrée sur une réalité socio-économique en constante évolution. Il est entendu que le retrait doit s’exercer dans le respect des critères de bonne foi et de correction dans l’exécution du contrat, et que les droits inaliénables des travailleurs ne doivent pas être violés, qui résultent de la réglementation antérieure plus favorable et qui leur sont définitivement acquis (voir Cour de cassation italienne, n° 1694,25 février 1997, n° 14827, 18 octobre 2002 ; n° 18508, 20 septembre 2005 ; n° 27198, 20 décembre 2006 ; n° 18548, 20 août 2009 ; n° 24268, 28 octobre 2013). Toutefois, il n’existe pas une faculté de retrait anticipé analogue pour les conventions collectives d’une durée prédéterminée.
Au vu de ce qui précède, la Cour suprême estime que l’application d’une nouvelle convention collective nationale ne peut être admise avant l’expiration prévue de celle qui est en cours d’application, que les parties se sont engagées à respecter.
Dans ce contexte, selon la Cour de cassation italienne, l’argument de l’entreprise selon lequel une éventuelle convention de second niveau pourrait accorder à l’employeur la faculté de se retirer à l’avance d’une convention collective de niveau supérieur ne saurait non plus être accueilli.
C’est ainsi que la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel et renvoyé l’affaire devant la Cour de Turin, dans une formation différente, qui procédera au nouvel examen de l’affaire sur la base de ce que la Cour suprême a souligné.