Selon la Cour de cassation (ordonnance n° 25055 du 22 août 2022), en cas de transfert d’une entreprise – ou d’une partie de celle-ci – déclarée en situation de crise ou placée sous administration extraordinaire, en cas de continuation ou de non-cessation de l’activité, l’accord conclu avec les organisations syndicales peut déroger à l’art. 2112 du Code civil sur les conditions de travail, sous réserve du transfert des contrats de travail au cessionnaire. La Cour de cassation a confirmé ce qu’avait déjà énoncé la Cour de justice de l’Union Européenne sur ce point : selon l’alinéa 4-bis de l’art. 47 de la loi n° 428/1990, l’accord conclu permet de déroger, même éventuellement in peius, aux droits économiques et juridiques précédemment acquis par chaque travailleur, mais il ne permet pas de déroger au passage automatique des travailleurs à l’entreprise cessionnaire.
La Cour de cassation, par son ordonnance du 20 mai 2021, n° 13787, a établi que dans le cas où le transfert d’une entreprise est déclaré illégitime, la responsabilité de toute rétrogradation réclamée par le salarié cédé incombe au cessionnaire qui a effectivement utilisé sa prestation de travail et non au cédant.
Le cas d’espèce tire son origine d’une demande de constat de rétrogradation formulée par un salarié qui avait été cédé avec une branche d’activité et qui, depuis mars 2004, était donc devenu un salarié de la société cessionnaire.
Le juge de première instance avait fait droit à la demande du salarié et avait condamné le cédant et le cessionnaire solidairement au paiement des dommages et intérêts. Cette décision avait ensuite été confirmée en appel et avait été attaquée en cassation par la société cédante.
Selon la société cédante – étant donné qu’il avait été constaté que (i) la rétrogradation avait duré d’avril 2002 à octobre 2010 et (ii) qu’à partir de mars 2004, le salarié avait été employé exclusivement par la société cessionnaire – la responsabilité solidaire pour l’ensemble de la période était erronée, puisque la responsabilité de la rétrogradation incombait à la partie utilisatrice des services, qui avait le pouvoir d’attribuer les tâches.
La Cour de cassation, en faisant droit au recours de la société, a établi qu’en cas d’invalidité du transfert de l’entreprise telle qu’elle a été judiciairement constatée, la relation de travail se poursuit avec le cédant et une relation nouvelle et différente s’établit avec le sujet qui était le cessionnaire, et qui ne l’est plus, pour le compte duquel le travailleur a matériellement continué à travailler.
Selon la Cour de cassation « à côté de la relation de travail « inactive » avec la société cédante d’origine (…) il existe une prestation de travail matériellement rendue en faveur du sujet avec lequel le travailleur, illégalement transféré avec la cession de la branche d’entreprise, a établi une relation de travail de fait, en tous cas, productive d’effets juridiques et donc d’obligations pour celui qui utilise effectivement la prestation de travail dans son organisation d’entreprise, dont celui qui découle de l’application de l’art. 2103 Code civil italien, de sorte que toute violation de cette règle ne peut être imputée au cédant qui n’utilise pas effectivement la prestation de travail ».
La Cour de cassation a donc cassé la partie de l’arrêt de la Cour d’appel qui prévoyait la condamnation solidaire des deux sociétés pour le paiement des dommages et intérêts résultant de la rétrogradation subie pour la période pendant laquelle le salarié a travaillé pour le compte de la société cessionnaire.